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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  

Publié au numéro de décembre 2012

Par arrêté en date du 19 décembre 2012, Messieurs Michel ORIER, directeur général de la création artistique du ministère de la culture, et Monsieur Pierre OUDART, directeur adjoint, chargé des arts plastiques à la direction générale de la création artistique ont été nommés en qualité de membre du conseil d’administration de la société par actions simplifiée (SAS)Palais de Tokyo (1),

Or la direction générale de la création artistique assure au nom du ministre de la culture la tutelle de l’ensemble des services publics intervenant dans le secteur de la création artistique et notamment le Palais de Tokyo.

Ce faisant, Messieurs Michel ORIER et Pierre OUDART, dépositaire de l’autorité publique et chargé de mission de service public de par leur fonction au ministère de la culture,  prennent un intérêt direct dans une entreprise et une opération dont ils ont, au moment de l’acte, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation et le paiement, ce qui constitue l’élément matériel du délit de prise illégale d’intérêt prévu et réprimé par l’article 432-12 du code pénal (2).

Ce n’est pas le seul délit que commettent Messieurs Michel ORIER et Pierre OUDART en participant au conseil d’administration de cette société.

En effet, Madame Christine ALBANEL, qui figure en bonne place dans notre petit bréviaire de la corruption a initié un nouveau mode d’intervention du ministère de la culture. Pour remplacer les associations selon la loi de 1901, utilisées en masse depuis André MALRAUX par le ministère de la culture, mais  dont tout un chacun reconnaît aujourd’hui le caractère gravement illégal, et l’impossibilité de mener sérieusement des activités commerciales, elle a eu l’idée de créer des sociétés par actions simplifiée dont l’actionnaire unique serait l’État. La première de ces sociétés a été Versailles Spectacles.

Un tel mécanisme permet a priori d’intervenir dans un cadre de droit privé, de salarier du personnel dans un cadre de droit privé, de passer des contrats avec les entreprises privées, et de contourner ainsi l’ensemble des règles du droit public et de la comptabilité publique.

Le problème, c’est qu’un tel recours à un cadre juridique commercial de droit privé est tout aussi illégal que le recours à des associations selon la loi de 1901 et pourrait être gravement sanctionné sur le plan pénal.

En effet, les statuts de la SAS Palais de TOKYO, déposés le 4 août 2011 au registre du commerce et des sociétés indiquent que la SAS Palais de Tokyo assure  l’exploitation et la mise en œuvre du Palais de Tokyo. Or l’article L.2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques énonce que : « Nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L.1 ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous . »

En premier lieu, la SAS, Palais de Tokyo, même si elle a pour unique associé l’État, est une entreprise dotée d’une personnalité juridique autonome de celle de l’Etat, et en théorie, relevant de la sphère du droit privé. En tout état de cause, le Palais de Tokyo appartient non à l’État, mais à la ville de Paris. 

En second lieu, une entreprise privée ne peut avoir pour unique objet la gestion d’un bien public vis-à-vis duquel elle ne peut acquérir des droits qu’une fois créée, sauf à ce que ce bien soit apporté en capital par l’associé qui en est propriétaire, ce qui n’est absolument pas le cas en l’espèce. Surtout, elle ne peut disposer d’un titre sur un bien public, avant d’avoir été créée et ne peut avoir pour objet social l’exploitation d’un bien public sur lequel elle ne pourra éventuellement acquérir des droits que postérieurement.

La SAS Palais de Tokyo a donc un objet illicite, ce qui contrevient aux dispositions de l’article 1833 du code civil, et toute personne intéressée peut solliciter la dissolution de cette société qui intervient dans un cadre juridique des plus fragiles. De surcroît toute association de citoyens statutairement autorisée à le faire peut demander la dissolution de cette entreprise.

La SAS Palais de Tokyo qui relève du droit privé ne pouvait pas davantage prendre pour titre le nom « Palais de Tokyo » qui appartient à la ville de Paris et désigne un bien public. D’ailleurs, une convention entre la ville de Paris et la SAS Palais de Tokyo n’a été conclue que postérieurement avec effet rétroactif au 1er janvier 2012.

De plus, le titre « Palais de Tokyo » appartenait également à l’ancienne association dont le président, Monsieur Pierre Cornette de Saint-Cyr, a été nommé membre du conseil d’administration de la SAS. Le président d’une association selon la loi de 1901 n’a aucun droit à s’approprier les biens d’une association et notamment sa dénomination sociale, ce qui accroît encore le caractère illégal de la SAS.

De surcroît, une société dont l’unique associé est l’État, dont la totalité du capital est fournie par l’État est une société nationale. Lorsque cette société nationale est chargée d’un service public, ce service public est un service public national. Or, l’article  34 de la constitution confère au parlement et à la loi l’exclusivité de la création de catégories d’établissements publics.

Les statuts de la société Palais de Tokyo et la constitution de ce service public national sous forme de SAS de droit privé formalisent un abus d’autorité au sens des articles 432-1 et 432-2 du code pénal, et un recel d’abus d’autorité (3), délit passible de 10 ans d’emprisonnement ! En effet, ainsi que l’indique en toute transparence le rapport d’Olivier KAEPLIN, ce mode de gestion a été choisi pour sa grande souplesse. En clair, il permet de gérer un service public national en contournant l’ensemble des règles de la comptabilité publique, de la fonction publique, du subventionnement, mais également l’article 34 de la constitution qui confie à la loi et non au gouvernement la possibilité de créer de nouvelles catégories d’entreprises publiques et qui confère au parlement le contrôle de l’utilisation des fonds publics.

En participant au conseil d’administration de cette société, Messieurs Michel ORIER et Pierre OUDART se rendent complices de ce délit.

Le fait que le président de la société ait été nommé par décret en conseil des ministres, ainsi que le prévoient les statuts ne change rien. La chambre criminelle de la cour de cassation s’est prononcée sur cette question dans un arrêt du 4 novembre 2004 (4) rendu dans le secteur culturel et considéré qu’une nomination par décret ne caractérisait ni l’ordre de la loi ni le commandement de l’autorité légitime et ne pouvait aller à l’encontre de dispositions pénales.

Ce serait faire injure à Messieurs Michel ORIER et Pierre OUDART, d’imaginer qu’ils puissent ne pas avoir conscience de ses nombreuses situations de conflit d’intérêt pénalement répréhensibles. 

Les faits sont commis dans des temps non prescrits…

Il est intéressant de noter que par arrêté en date du 15 février 2012 (5), Monsieur COPPOLANI, chef du service du contrôle général économique et financier du ministère de l’économie , des finances et de l’industrie, agissant par délégation du ministre, et Monsieur GAUBERT, chef de service au ministère du budget, on organisé le contrôle de l’État sur cette entreprise illégale alors qu’ils auraient dû au contraire dénoncer cette situation délictuelle au procureur de la République, ainsi que les y oblige l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale. 

(1) JORF du 21 décembre 2012, page 20238.

(2) L’article 432-12 du code pénal énonce que « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ».

(3) L’article 432-1 du code pénal énonce que « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. »

L’article 432-2 précise que « L’infraction prévue à l’article 432-1 est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150  000 euros d’amende si elle a été suivie d’effet. », ce qui est le cas en l’espèce.

(4) Cass. Crim n° 03-84687.

(5) Arrêté du 15 février 2012 fixant les modalités spéciales d’exercice du contrôle économique et financier de l’État sur la société « Palais de Tokyo ».
 


 
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