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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  

Audiovisuel ... ça détricote :

une vision fort particulière de l’indépendance

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire du numéro correspondant

Cet article a été publié au numéro 237 correspondant à l'actualité du mois de novembre 2013.

La loi relative à l’indépendance de l’audiovisuel public a été publiée le 16 novembre 2013 (1). La nomination des présidents des sociétés nationale de programme est à nouveau confiée au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel. On ne revient toutefois pas exactement à la situation antérieure à 2009, puisque la composition du CSA est singulièrement modifiée, de même que la procédure de nomination. La réforme met également les procédures de sanction du CSA en phase avec les exigences démocratiques de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil Constitutionnel, qui imposent le respect du principe d’impartialité, impliquant la séparation de l’instance en charge de l’instruction de l’instance en charge de la décision de sanction. La procédure actuelle avait du souci à se faire.
La nouvelle composition du CSA
Le nombre de membres du conseil est réduit de neuf à sept, (2) le Président de la République ne conservant que la prérogative de désignation du président du CSA. Les six autres membres restent nommés par le président de l’Assemblée Nationale et le président du Sénat. Les membres sont nommés pour une période de six ans non renouvelable et le conseil est renouvelé par tiers tous les deux ans.
De surcroît, les nominations au Conseil supérieur de l’audiovisuel doivent désormais concourir à une représentation paritaire des femmes et des hommes.

Une loi qui légalise la corruption des membres du CSA !
Les dispositions relatives aux conflits d’intérêts sont modifiées. Le second alinéa de l’article 5 de la loi de 1986 énonce que « les membres du CSA ne peuvent, directement ou indirectement, exercer des fonctions, recevoir d’honoraires, sauf pour des services rendus avant leur entrée en fonctions, détenir d’intérêt ou avoir un contrat de travail dans une entreprises de l’audiovisuel, du cinéma, de l’édition, de la presse, de la publicité ou des communications électroniques ». Mais la loi institue une exception à ce principe qui n’est plus applicable que « sous réserve des dispositions du code de la propriété intellectuelle ».

Le caractère fort peu précis de cette modification vide de sens le reste de la disposition. En effet, le troisième alinéa de cet article 5 énonce que le non respect de ces dispositions est passible des peines prévues à l’article 432-12 du code pénal. Il s’agit donc de la délimitation d’une infraction pénale, et en l’absence de précision des contours de l’infraction, elle encourt la critique d’inconstitutionnalité. Le code de la propriété intellectuelle contient notamment des dispositions sur les auteurs et artistes salariés, les producteurs audiovisuels et phonographiques, les éditeurs, les entreprises de communication audiovisuelle, outre des dispositions sur les marques et les brevets, on voit mal quelles sont les interdictions qui subsistent et ce qui empêche de rémunérer un membre du CSA pour une quelconque prestation relevant d’une activité de création ou de production réglementée par le code de la propriété intellectuelle. Vu le boulevard organisé par cette modification, il faudra désormais être fort mal informé pour acheter illégalement un membre du CSA et la fonction pourrait devenir fort lucrative !

Quant l’on sait qu’il n’y avait déjà aucun contrôle sérieux quant au respect par les membres du CSA des dispositions qui leur interdisent par ailleurs dé prendre un intérêt dans une entreprises commerciale en lien avec le CSA dans les trois années après la fin de leurs fonction (3), on est en droit de s’interroger sur la valeur du discours de l’actuel gouvernement sur la prévention des conflits d’intérêt.

Le parlement est associé aux nominations
La loi renforce le contrôle du parlement sur ces nominations puisque les commissions des affaires culturelles de chaque assemblée sont désormais impliquées dans le choix des membres de l’autorité de régulation. Ces commissions doivent rendre un avis conforme sur ces désignations en statuant à la majorité des trois cinquième des suffrages exprimés, ce qui a pour but d’associer l’opposition. Étant donné le mécanisme d’intéressement des membres du CSA organisé par la nouvelle loi, la majorité a intérêt à intéresser l’opposition pour lui ôter toute envie de critiques.

Ce contrôle de l’assemblée n’offre dans les faits aucune garantie. Le président de la commission culture de l’assemblée nationale, Monsieur Patrick BLOCHE, en charge de la désignation d’un d’administrateur de France Télévision, s’est nommé lui-même en 2012 à cette fonction, en contrariété avec les dispositions de l’article 432-12 du code pénal, sans que personne ne trouve rien à redire, et certains membres du CSA sont ces dernières années, restés dans des liens contractuels avec des chaînes publiques durant leur mandat. On peut donc être dubitatif sur le surcroît de démocratie que cette loi prétend instaurer… (4).

Une mission de conciliation professionnelle
La loi confère une nouvelle compétence au CSA (5). En cas de litige, le Conseil supérieur de l’audiovisuel assure une mission de conciliation entre éditeurs de services et producteurs d’œuvres ou de programmes audiovisuels ou leurs mandataires, ou les organisations professionnelles qui les représentent.

La nouvelle procédure de nomination des présidents de chaînes publiques

Le mode de nomination des présidents des sociétés nationales de programme, à savoir la société France Télévisions, la société Radio France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France est modifié.

L’exposé des motifs de la loi considère que le mode de nomination des présidents de chaînes instauré par la loi de 2009 jetait un doute sur l’indépendance des personnes ainsi désignées vis-à-vis du pouvoir exécutif. Cette critique est particulièrement vaine quand on constate qu’un nombre tout à fait conséquent des présidents de sociétés nationales de programmes nommés de 1982 à 2009 l’ont été de façon illégale. C’est ainsi que la quasi totalité des directeurs généraux du CNC ont bénéficié de postes de président de sociétés nationales de programmes, alors même que leur nomination par le CSA les plaçait en situation de prise illégale d’intérêt au sens de l’article 432-13 du code pénal. L’administration du CSA, tout comme celle du ministère de la culture et de la communication a toujours fermé les yeux sur les nombreuses situations de conflit d’intérêt dans lesquelles ont été placés des membres du CSA, pourtant souvent passibles de poursuites pénales et régulièrement dénoncées par un certain nombre de parlementaires.

Le CSA depuis sa création n’a donc jamais été un organe d’émancipation du secteur de l’audiovisuel public, et la réforme qui revient à la situation de 2009 opère un réel retour en arrière sur une expérience qui aura été de bien courte durée.

Les présidents de ces sociétés ne seront plus nommés par le président de la République, mais par le Conseil supérieur de l’audiovisuel qui se prononce à la majorité de ses membres. Ils sont nommés pour une durée de cinq ans.

Afin d’associer le Parlement et de porter à sa connaissance le projet de la personne nommée, les présidents nouvellement désignés lui transmettront un rapport d’orientation, dans un délai de deux mois après le début de leur mandat (6). Les parlementaires pourront, s’ils le souhaitent, auditionner sur ce fondement les présidents après leur nomination.

L’article 47-5 de la loi de 1986 précise désormais que le mandat d’un président d’une société nationale de programme peut lui être retiré par une décision motivée du CSA adoptée à la majorité de ses membres.


Une compréhension tout à fait particulière de la notion d’indépendance
La notion d’indépendance au sens de cette réglementation a tout de même une définition tout à fait particulière. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre connaissance de la décision du CSA du 6 novembre 2013 qui nomme en qualité d’administrateur de la société nationale de programme Radio France au titre des personnalités indépendantes… Madame Muriel MAYETTE-HOLTZ (7). En effet, Madame MAYETTE-HOLTZ est administrateur général de la Comédie Française. Il s’agit d’un établissement public industriel et commercial de l’État. Elle est nommée par décret en Conseil des ministres sur le rapport du ministre chargé de la culture. Il s’agit d’un emploi discrétionnaire à la disposition du gouvernement. Son mandat est renouvelable sans limitation de durée par période de trois ans. Elle doit chaque année négocier son budget avec l’État. On a tout de même du mal à admettre qu’elle puisse avoir été nommé à titre de personnalité indépendante.
Il est vrai que Madame MAYETTE rejoint ainsi Madame Brigitte LEFREBRE, elle aussi nommée à titre de personnalité indépendante, au conseil d’administration de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (8), alors qu’elle exerce la fonction de directrice de la danse de l’Opéra de Paris, établissement public de l’État, qu’elle est depuis 20 ans en situation de recel de prise illégale d’intérêt, passible de lourdes sanctions pénales puisqu’elle était antérieurement déléguée à la danse du ministère de la culture.

L’« indépendance » du CSA semble profiter essentiellement au sérail du ministère de la culture. Il serait intéressant de savoir quelle définition le Conseil d’État pourrait donner à la notion d’indépendance s’il était saisi d’une demande relative à la légalité de ces nominations. On se demande de plus quelle « indépendance » peuvent bien avoir des administrateurs dont la nomination est entachée d’un tel vice.

La nouvelle procédure de sanction

La loi réforme la procédure de sanction applicable devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel (9). Elle instaure un rapporteur permanent indépendant du collège du CSA et le déroulement de la procédure de sanction du CSA opérera désormais une distinction claire entre, d’une part, le titulaire des fonctions de poursuites et d’instruction et, d’autre part, le titulaire de la fonction de prononcé de la sanction.

Ce rapporteur est nommé par le vice-président du Conseil d’État, après avis du CSA, parmi les membres des juridictions administratives, pour un mandat de quatre ans renouvelable une fois.

Le rapporteur peut se saisir de tout fait susceptible de justifier l’engagement d’une procédure de sanction.

Il a, seul, autorité pour décider si les faits portés à sa connaissance, notamment par le CSA, ou dont il décide de se saisir, justifient l’engagement d’une procédure de sanction
.
Le rapporteur est seul à pouvoir décider ensuite de notifier les griefs aux intéressés et dirige alors à ce titre l’ensemble de l’instruction. Le rapporteur peut mettre fin à la procédure de sanction jusqu’à la notification des griefs. Une fois celle-ci effectuée, il ne peut plus y mettre un terme et doit transmettre pour information au Conseil supérieur de l’audiovisuel cette notification.

Afin d’assurer l’indépendance de l’instruction, les agents mis à disposition du rapporteur par le CSA pour l’exercice de ses missions sont placés, dans cette mesure, sous sa seule autorité.

L’instruction est dirigée par le rapporteur, qui peut procéder à toutes les auditions et consultations qu’il estime nécessaires.

Au terme de l’instruction, le rapporteur communique son rapport, accompagné des documents sur lesquels il se fonde, à la personne mise en cause et au Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Il appartient ensuite au rapporteur, au terme de la phase d’instruction, de présenter un rapport au Conseil supérieur de l’audiovisuel, lors d’une séance à laquelle est convoquée la personne mise en cause et de proposer, le cas échéant, l’adoption d’une sanction.

La procédure est contradictoire : les parties mises en cause peuvent présenter des observations écrites ou orales lors de l’instruction et sont entendues par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Le rapporteur n’assiste pas au délibéré.


Roland LIENHARDT
Avocat au barreau de Paris


(1) LOI n° 2013-1028 du 15 novembre 2013, JORF du 16 novembre 2013 page 18622. Cette loi modifie les dispositions de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
(2) Article 4 de la loi de 1986.
(3) L’alinéa 6 de l’article 5 de la loi de 1986 rappelle expressément l’obligation pour les membres du CSA de respecter les dispositions de l’article 432-13 du code pénal sur la prise illégale d’intérêt.
(4) Voir la fiche de Monsieur Patrick BLOCHE dans le petit bréviaire de la corruption www.nodula.com/BLOCHE_Patrick.html
(5) Nouvel alinéa 5 de l’article 3-1 de la loi de 1986.
(6) Aliéna 5 de l’article 47-4 de la loi de 1986.
(7) Décision n° 2013-731 du 6 novembre 2013, Jorf du 16 novembre 2013.
(8) Décision n° 2013-446 du 27 juin 2013, Jorf du 5 juillet 2013.
(9) Article 42-7 de la loi de 1986.


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