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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  

Responsabilité de l’agent artistique: la qualité de mandataire ne se présume pas

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire du numéro correspondant

Cet article a été publié au numéro 232 correspondant à l'actualité du mois Mai 2013 .

L’activité d’agent artistique, qu’elle soit exercée sous l’appellation d’impresario, de manager ou sous toute autre dénomination, consiste à recevoir mandat à titre onéreux d’un ou de plusieurs artistes du spectacle aux fins de placement et de représentation de leurs intérêts professionnels. Cette définition résulte de l’article L.7121-9 du code du travail. Une fois le contrat de travail signé entre l’entrepreneur de spectacle et l’artiste, la responsabilité de l’agent ne peut en principe être engagée puisque l’agent n’est pas partie au contrat de travail. Mais tant que le contrat n’est pas signé, l’agent qui ne veut pas voir sa responsabilité engagée à titre personnel doit veiller à informer ses interlocuteurs qu’il intervient uniquement en qualité de mandataire. Dans le cas contraire, il intervient en qualité d’intermédiaire et engage sa responsabilité. C’est ce que vient de rappeler la cour de cassation dans une décision du 16 avril 2013 (1).

Pour l’organisation d’un festival annuel de musique, l’Association culture loisirs musique (l’ASOA) s’est rapprochée en septembre 2007 de la société Concerts de Valmalete en vue de la participation du violoniste M. X... à un concert du 20 juin 2008 ; le 28 février 2008, la société Concerts de Valmalete a adressé à l’ASOA le contrat d’engagement que celle-ci devait signer avec M. X... . Mais dans les faits, ce contrat n’a pas été signé par l’association. Le 2 avril 2008, la société Concerts de Valmalete a avisé l’ASOA que M. X... ne se rendrait pas au concert ; qu’estimant cette défection fautive, l’ASOA a fait assigner la société Concerts de Valmalete en paiement de dommages intérêts ;

La cour d’appel d’Aix-en-Provence a accepté la demande de l’association et a condamné la société Concerts de Valmalete à une somme de 3 000 € de dommages intérêts (tout ça pour ça !) aux motifs, d’une présentation fort pédagogique, que « l’agent artistique de M. X... que sont les Concerts de Valmalete, dont la mission est d’opérer auprès d’un tiers tel que l’ASOA le placement et/ou l’engagement de cet artiste, agit non comme mandataire de ce dernier mais en qualité d’intermédiaire contrairement à ce qu’a décidé le tribunal de commerce, d’autant que Concerts de Valmalete n’assurent pas la rémunération de l’artiste et n’apparaissent pas dans lesdits placements ou engagement ; qu’au surplus les Concerts de Valmalete n’ont pas justifié leur décision du 2 avril 2008 par une circonstance imputable à M. X... ; que de ce fait ils sont seuls tenus des obligations qu’ils peuvent prendre à l’égard de tiers, et en conséquence ont la qualité de commissionnaire au sens de l’article L.132-1 alinéa 1 du code de commerce aux termes duquel «Le commissionnaire est celui qui agit en son nom propre ou sous un nom social pour le compte d’un commettant » ; que les 10 courriels intervenus entre l’ASOA et les Concerts de Valmalete au cours de la période de 4 à 5 mois séparant l’accord des seconds du 14 septembre 2007 pour la participation de M. X... au concert du 20 juin 2008, et l’annonce par les mêmes le 2 avril 2008 de l’empêchement de cet artiste, ne mentionnent aucunement la nécessité pour l’ASOA de retourner préalablement à ce concert le contrat d’engagement transmis le 20 février 2008 ; que par ailleurs les Concerts de Valmalete n’ont aucunement invoqué ce 2 avril comme motif de l’empêchement de M. X... le non-retour ni même la non signature de ce contrat, et de plus dans leur courriel du 14 mars 2008 ont demandé à l’ASOA si elle avait reçu ledit contrat mais sans pour autant en réclamer ces retour et/ou signature ; que l’accord conclu entre l’ASOA et les Concerts de Valmalete sur les différents points de la situation de M. X... concernant le concert du 20 juin 2008 (rémunération, programme, déplacement et hébergement) exclut toute possibilité pour les seconds de changer d’avis, sauf mise en demeure préalablement adressée à la première, et demeurée infructueuse, d’avoir à retourner signé avant ledit concert le contrat d’engagement »

La cour de cassation valide cette motivation et considère que «  sauf dispositions particulières du contrat dont il incombe à celui qui s’en prévaut de rapporter la preuve, l’impresario ou agent artistique, qui a pour mission d’opérer le placement de l’artiste, agit non comme mandataire de ce dernier mais en qualité d’intermédiaire et, comme tel, est seul tenu des engagements qu’il prend à l’égard des tiers ; »

Ce dossier soulève des questions de pur droit. En effet, l’agent ne peut invoquer sa qualité de mandataire vis-à-vis d’un tiers que s’il est en mesure de justifier qu’il a effectivement informé son contractant qu’il n’intervenait qu’en cette seule qualité.

En l’espèce, l’agent a mené la négociation sans jamais préciser qu’il n’intervenait qu’en qualité de mandataire. Il aurait du systématiquement faire figurer dans ses courriers, d’une part que les courriers ou courriels qu’il adressait n’avaient pas de valeur contractuelle et d’autre part que seule la signature du contrat entre l’association et l’artiste pouvait valablement valoir engagement de cet artiste.

Après avoir négocié sans réserve la présentation de l’artiste dans le programme du festival, l’agent ne peut prétendre qu’aucun engagement n’avait été conclu.

Lors de l’envoi du contrat en février 2008, l’agent aurait du préciser qu’à défaut de retour signé avec un délai donné, la proposition devenait caduque et que l’artiste reprenait la liberté de la date retenue.

C’est donc parce que l’agent n’a pas agi en qualité de mandataire, et qu’il était carent à rapporter cette preuve qui lui incombait qu’il a agi en qualité d’intermédiaire et était donc tenu à titre personnel des engagements qu’il prenait à l’égard des tiers.

Contrairement à ce que certains ont pu écrire, cet arrêt de la cour de cassation ne modifie aucunement le statut de l’agent artistique qui est bien un mandataire, ainsi que l’énonce l’article L.7121-9 du code du travail. Cet arrêt rappelle seulement que c’est à celui qui se prévaut de cette qualité de mandataire de rapporter la preuve qu’il a bien agi comme tel et en a informé ses cocontractants.

L’arrêt de la cour d’appel était logique, l’agent ne peut avoir négocié sans réserve la participation d’un artiste à une manifestation et indiquer ensuite qu’à défaut de contrat signé, il ne s’est pas engagé. L’agent artistique est en effet un commerçant (article L.7121-11 du code du travail), et entre commerçants, la preuve est libre et peut résulter du comportement ou d’échanges de correspondances démontrant l’accord des parties, sans réserve, sur les éléments essentiels du contrat.

Il convient sur ce point de rapprocher cette décision d’un arrêt de la cour d’appel de Rennes du 3 décembre 2010 (2). Dans cette affaire, c’est le festival qui refusait de payer l’artiste après avoir annulé sa participation en invoquant l’absence de signature d’un contrat. La cour avait considéré que, même en l’absence de contrat signé, le contrat s’était valablement formé entre l’organisateur de spectacle, la société de production et l’artiste du fait de la programmation du spectacle.

« Qu’il suit de là  que les parties s’étaient accordées sur la participation de M. Z au festival « Fanfares 2008 » et sur le prix de la prestation ;

Que le fait que la programmation artistique n’en ait pas été définitivement arrêtée ne faisait pas obstacle à la conclusion du contrat, puisque la participation de M. Z au festival avait été portée à la connaissance du public par son annonce sur la brochure du Quartz 2007-2008 dans laquelle il était écrit « Nous avons aussi passé commande d’une nuit « spéciale fanfares » à M. Z, le génial jazzman multi-instrumentiste », brochure pour laquelle le bon à tirer a été donné le 19 juillet 2007, et par la mise en vente de places pour la représentation ;

Que c’est donc à juste titre que le tribunal a jugé qu’un contrat avait été valablement formé ; »

Roland LIENHARDT
Avocat au Barreau de Paris

(1) Cass. Com. 16 avril 2013, n° 11-24018.

(2) Cour d’appel de Rennes 03 décembre 2010, R.G. n°09/06880, commenté dans «La Lettre de Nodula» de janvier 2011, n°206 p. 2087 « Annulation  d’un spectacle et perte de chance de l’artiste ».


 


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