Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique.
Présentation

La lettre de Nodula


 


Le Sommaire des derniers numéros

Le Petit bréviaire de la corruption de la culture et de la communication

L'article du mois
Actualité
Le courrier des lecteurs
L'équipe rédactionnelle
L'index des articles
Abonnements annuels ou au numéro
Commandes d'articles
Sélection d'articles

Les formations
Présentation
Prix et modalités d'inscription
Thèmes de formation

Forum de discussion

Nos publications
Cultivez-vous !...
Les dossiers de Nodula

Nous écrire

La Lettre de Nodula
30 rue Feydeau
75002 Paris
Tél: 01 42 60 30 79
E-Mail : info@nodula.com

SARL au capital
de 47 259 Euros
RCS Paris B 351.734. 488

© Nodula

Conception du site :
Internet Brothers -Nodula








Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  

Port de signes ostentatoires dans l’entreprise

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne. Vous pouvez retrouver ces articles publiés chaque mois au sommaire du numéro correspondant

Cet article a été publié au numéro 230 correspondant à l'actualité du mois de mars 2013 .

 

Dans deux arrêts en date du 19 mars 2013, la cour de cassation précise le cadre dans lequel il est possible d’interdire aux salariés le port de signes ostentatoires (en l’espèce, voile islamique). Dans la première affaire qui concernait une caisse primaire d’assurance maladie, elle considère que le principe de laïcité et de neutralité du service public autorise le règlement intérieur à prévoir l’interdiction des signes ostentatoires (1). Dans la seconde affaire qui concernait une crèche (2), elle considère que le règlement intérieur ne pouvait porter une atteinte générale et imprécise à la liberté de conscience et de religion du personnel. Dans le premier cas, le licenciement pour port d’un signe ostentatoire religieux est validé. Dans le second cas, il est considéré comme discriminatoire et à ce titre cassé.

Ces arrêts permettent d’une part de cerner le champ d’application du principe de neutralité et de laïcité, et d’autre part de rappeler que les dispositions du règlement intérieur qui apportent aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, ces justifications devant être précises et circonstanciées. 

Les principes de laïcité et de neutralité

Ces principes s’appliquent en premier lieu à l’État, aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, et à tous les services publics, y compris lorsqu’ils sont assurés par des organismes de droit privé. Ils s’appliquent également aux entreprises et aux organismes en charge de mission de service public, ou participant à de telles missions, quel que soit leur statut juridique.

Dans la première affaire, la cour de cassation relève que : « la cour d’appel a retenu exactement que les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé et que, si les dispositions du code du travail ont vocation à s’appliquer aux agents des caisses primaires d’assurance maladie, ces derniers sont toutefois soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu’ils participent à une mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires ; »

Dans la seconde affaire, la crèche avait le statut d’association selon la loi de 1901 et la gestion d’une crèche semble également relever d’une mission de service public, mais l’arrêt ne le précise pas.

Les entreprises de spectacles en charge de missions de service public culturel doivent intégrer le fait qu’elles ont à respecter ce principe de laïcité et de neutralité.

Les restrictions à la liberté religieuse doivent être précises

Les entreprises de droit privé ne peuvent se contenter d’invoquer leur mission de service public général pour imposer un principe général de neutralité et de laïcité. En effet, ces entreprises étant régies par le code du travail, doivent respecter les dispositions qui encadrent le règlement intérieur, et notamment l’article L.1321-3 du code du travail.

Le règlement intérieur de la CPAM avait été complété par une note de service qui interdisait « le port de vêtements ou d’accessoires positionnant clairement un agent comme représentant un groupe, une ethnie, une religion, une obédience politique ou quelque croyance que ce soit » et notamment « le port d’un voile islamique, même sous forme de bonnet ». La salariée avait été licenciée pour cause réelle et sérieuse aux motifs qu’elle portait un foulard islamique en forme de bonnet.

La cour d’appel avait « retenu que la salariée exerce ses fonctions dans un service public en raison de la nature de l’activité exercée par la caisse, qui consiste notamment à délivrer des prestations maladie aux assurés sociaux de la Seine-Saint-Denis, qu’elle travaille en particulier comme « technicienne de prestations maladie » dans un centre accueillant en moyenne six cent cinquante usagers par jour, peu important que la salariée soit ou non directement en contact avec le public, la cour d’appel a pu en déduire que la restriction instaurée par le règlement intérieur de la caisse était nécessaire à la mise en œuvre du principe de laïcité de nature à assurer aux yeux des usagers la neutralité du service public ; »

Le règlement encadrait strictement l’atteinte à la liberté religieuse et était justifiée par la nature de l’activité et la mission de service public. Le licenciement a donc été reconnu comme fondé et non discriminatoire par la cour de cassation.

Il n’en allait absolument pas de même dans la seconde affaire.

Le licenciement concernait une éducatrice de jeunes enfants, exerçant les fonctions de directrice adjointe d’une crèche et halte garderie. Elle avait été licenciée pour faute grave au motif notamment qu’elle avait contrevenu aux dispositions du règlement intérieur de l’association en portant un voile islamique.  Elle avait contesté son licenciement sur le fondement de la discrimination.

La cour d’appel avait rejeté le grief de discrimination en considérant que « les statuts de l’association précisent que celle-ci a pour but de développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et d’œuvrer pour l’insertion sociale et professionnelle des femmes du quartier, qu’elle s’efforce de répondre à l’ensemble des besoins collectifs émanant des familles, avec comme objectif la revalorisation de la vie locale, sur le plan professionnel, social et culturel sans distinction d’opinion politique ou confessionnelle, que conformément à ces dispositions la crèche doit assurer une neutralité du personnel dès lors qu’elle a pour vocation d’accueillir tous les enfants du quartier quelle que soit leur appartenance culturelle ou religieuse, que ces enfants, compte tenu de leur jeune âge, n’ont pas à être confrontés à des manifestations ostentatoires d’appartenance religieuse, que tel est le sens des dispositions du règlement intérieur entré en vigueur le 15 juillet 2003, lequel, au titre des règles générales et permanentes relatives à la discipline au sein de l’association, prévoit que le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche, que les restrictions ainsi prévues apparaissent dès lors justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché au sens des articles L. 1121-1 et L. 1321-3 du code du travail, qu’il résulte des pièces fournies, notamment de l’attestation d’une éducatrice de jeunes enfants, que la salariée, au titre de ses fonctions, était en contact avec les enfants. »

Le règlement intérieur de la crèche précisait uniquement au titre des règles générales et permanentes relatives à la discipline au sein de l’association, que « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle aux principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche. »

La cour de cassation a considéré que cette clause instaurait une restriction générale et imprécise ne répondant pas aux exigences de l’article L.1321-3 du code du travail et que le licenciement, prononcé pour un motif discriminatoire, était nul. Elle casse et renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Paris.

L’issue de cette seconde affaire ne semble pas poser de grande incertitude, la salariée ayant commis des actes d’insubordination largement détaillés dans la lettre de licenciement, refusant de quitter les locaux et provoquant une altercation, qui nous semblent suffisamment caractérisés pour fonder un licenciement pour faute grave sans même aborder la question du voile islamique.

Pour conclure

Les entreprises qui doivent appliquer un principe de neutralité et de laïcité ne peuvent se cantonner à rappeler ce principe dans le règlement intérieur, elles doivent clairement indiquer de façon détaillée les limitations à ces principes qu’implique la mission de l’entreprise ou de l’organisme. Ce principe pourrait d’ailleurs dans le secteur du spectacle fonder des prises d’actes de rupture de salariés (3). Les responsables d’entreprises culturelles en charge de mission de service public qui prennent des positions politiques publiques, en signant par exemple des pétitions à caractère politique, pourraient ainsi se voir reprocher par leurs salariés le non respect du principe de neutralité, pouvant être constitutif d’une faute grave.

Roland LIENHARDT
Avocat au barreau de Paris

(1) Cass. Soc. 19 mars 2013, n° 12-11690.
(2) Cass. Soc. 19 mars 2013, n° 11-28845.
(3) La prise d’acte de rupture pour faute grave de l’employeur s’analyse, lorsqu’elle est reconnue comme légitime par un tribunal, comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec les conséquences indemnitaires qui en découlent.


 


Droit de reproduction à usage commercial et professionnel réservé.
Droit de reprographie aux fins de vente, de location, de publicité et de promotion réservés (Loi du 3 janvier 1995)


© Nodula 2013

 
  Retour en haut de la page