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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  

 

Louvre d’ABU DHABI, Château de Versailles, Salle PLEYEL  : les SAS remplacent les associations

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne.

Cet article a été publié au numéro 165 du mois d'avril 2007.

Le ministre de la culture a signé le 6 mars 2007 la convention relative à la création du musée d’Abu Dhabi. Nous ne joindrons pas notre voix à ceux qui critiquent la marchandisation de la culture. Nous pensons que cette initiative qui pourrait permettre d’augmenter le prestige culturel de nos musées et valoriser les œuvres en attirant des financements extérieurs est une bonne chose sur le plan du principe. Par contre, nous ne sommes pas convaincus de la sincérité de cet objectif affiché. Le montage juridique et financier choisi et d’ores et déjà mis en place nous incite au contraire à avoir les plus grandes craintes sur la finalité réelle de cette opération.

En effet, la création d’une société par action simplifiée nous semble gravement illégal et n’offre aucune garantie que les fonds récoltés n’iront pas uniquement à l’octroi de moyens et de rémunérations pour les hauts fonctionnaires et responsables du ministère de la culture qui ont négocié le projet en pensant surtout à leur carrière personnelle et à la communication du ministre.
Surtout, ce choix n’offre pas la garantie que les œuvres qui sortiront des musées bénéficieront de toute la protection qu’elles méritent.

En effet, comment Monsieur Henry LOIYETTE, président de l’établissement public du musée du Louvre ; lorsqu’il prêtera des œuvres à l’agence internationale des musées de France, pourra-t-il exercer sa mission de conservateur de façon objective et indépendante, alors qu’il a été nommé par ailleurs président du conseil scientifique de cette agence privée, laquelle a par ailleurs pour président Monsieur Marc Ladreit de Lacharrière, Président de la société FIMALAC, grand mécène du Louvre et membre du comité artistique des musées nationaux.

Comment chacun des responsables des musées nationaux qui prêteront des œuvres, pourra-t-il être objectif vis-à-vis d’une entreprise dont il possède une part conséquente du capital et à la gestion de laquelle il sera directement associée, en engageant sa responsabilité. Une chose est certaine, la société France Museum sera totalement irresponsable sur le plan juridique et fera ce qu’elle voudra.
Cette situation n’est pas seulement dommageable et source de crainte pour l’avenir du patrimoine, elle relève de qualifications pénales.

Le mode de gestion mis en place va accroître la capacité de clientélisme des managers publics du ministère de la culture et des grands patrons qui lui sont associés (souvent issus de la même école) et continuer à fausser le marché de l’art, accroître la concurrence déloyale publique ou parapublique qui est le principal handicap du marché français de l’art, le rendant toujours plus dépendant de la manne publique, ce qui permet de justifier en retour son étatisation exponentielle.

Depuis sa création le ministère de la culture, au lieu d’aider les artistes, les créateurs et les producteurs à disposer des moyens d’agir en restant libre et indépendant, gage de vitalité de la création, s’est évertué à vouloir diriger, encadrer, contrôler l’art, et surtout à faire de l’art, et de la production à la place des artistes, des créateurs et des producteurs.

Dès la création du ministère de la culture en 1959, s’est posée la question de l’inadaptation des règles de la comptabilité publique pour mettre en place des entreprises de production et de diffusion de spectacles , ou pour commercialiser le patrimoine. Et cela ne pourra qu’en être toujours ainsi, cette fonction de commercialisation n’étant pas une fonction normale de l’État Le ministère de la culture, a souhaité créer un réseau d’entreprises, financées sur fonds publics, intervenant sous son contrôle, mais agissant dans un cadre de droit privé, plus propice à mener des activités qui relèvent le plus souvent d’une logique commerciale.

André Malraux, puis Jack Lang ont eu largement recours à l’association selon la loi de 1901. Bien qu’illégaux et régulièrement dénoncés par la cour des comptes, les réseaux mis en place grâce à cette méthode ont permis à l’institution de contrôler la majorité du secteur et d’interdire toute critique majeure.

Les contentieux autour du détournement de la loi de 1901 étant de plus en plus nombreux, on a créé l’EPCC, l’établissement public de coopération culturelle, en lui permettant de récupérer les associations illégales. Cependant, si cette structure peut s’avérer efficace pour gérer des activités relevant d’activité administrative, elle est totalement inadaptée aux activités par nature commerciale. De plus, ce cadre juridique a été créé en oubliant totalement l’existence de la réglementation européenne sur les aides d’État et les marchés publics.

Effectivement, aucun cadre juridique ne viendra rendre légale la gestion directe de la majorité des entreprises culturelles par l’État et les collectivités territoriales, ou l’octroi d’aides d’États à la majorité de ces entreprises françaises, ce qui a pour effet de fermer le marché français à nos partenaires européens.

Depuis quelques années, le ministère de la culture a recours à la société par action simplifiée (SAS). Le premier à avoir utilisé ce subterfuge a été l’établissement public du château de Versailles avec la société Château de Versailles, suivi par la cité de la musique avec la société Salle Pleyel. La nouvelle agence internationale des musées de France utilise le même schéma.

L’établissement public soumis au droit public crée une société en utilisant un modèle de droit privé, à l’identique des associations sportives qui ont créé des sociétés à objet sportif ou des associations culturelles qui ont parfois créé des sarl de production de spectacle. Le but est de passer d’une gestion publique, avec les contrôles et les lourdeurs que cela impose, à une gestion privée, autorisant ainsi les agents publics à faire du commerce et des affaires avec les mêmes armes que les entreprises privées.

La différence étant que l’association sportive est réellement une entreprise de droit privée et que la société à objet sportif qu’elle crée est une entreprise de droit privé  légale. Il n’en est pas de même lorsque la société créée dans un cadre de droit privée, l’est intégralement avec de l’argent public par des entreprises publiques agissant dans le cadre de leur mission de service public.

D’une part, l’agent public ne prend aucun risque, puisqu’il travaille avec de l’argent public. Si les agents public ne se mettent pas directement d’argent dans la poche, ils peuvent dépenser sans contrainte, développer leur train de vie professionnel et leurs frais de représentation avec de l’argent public et augmenter encore leur pouvoir.

D’autre part, cet agent public va se trouver en situation de contrôler une entreprise qu’il dirige par ailleurs puisqu’il l’a créée dans le seul but de contourner les règles de la comptabilité publique et des marchés publics et non pour externaliser réellement une activité.

Le problème, est que “ copinage ” et “ clientélisme ” sont rarement mariés avec “ compétence ”. On arrive à des situations qui frisent le ridicule sur le plan juridique. De telles situations ne sont permises que parce que le pouvoir politique sait qu’il ne craint pas grand chose de la justice française.

Ce n'est pas parce que le décret organisant un établissement public l'autorise à créer des filiales qu'il l'autorise à créer des filiales de droit privées en dérogeant au articles du code pénal sanctionnant la corruption et les prises illégale d'intérêts. Un décret ne peut déroger utilement à la loi pénale.

Les 2 000 pétitionnaires qui ont fait part de leur opposition virulente à cette opération pourraient utiliser les arguments juridiques nombreux pour contraindre le ministre à un recentrage et faire en sorte qu’elle soit réellement bénéfique aux musées français et non seulement aux politiques qui s’en approprient la gestion et le contrôle. Il n’est pas certain qu’ils disposent de l’indépendance leur permettant d’utiliser de tels arguments.

Ainsi Madame Françoise CACHIN risque d’avoir les plus grandes difficultés à conserver la présidence de FRAME, fondation de droit privé américain dont les membres sont des musées de région américains et français, chargée d’organiser des expositions et des échanges entre les musées. Ainsi que le relève la revue “ www.latribunedelart.com ” dans une dépêche datée du 28 avril 2007. “ Madame Francine Mariani-Ducray, l’actuelle directrice des musées de France lui a adressé une lettre lui signifiant qu’elle serait remplacée à la tête de FRAME par Francine Mariani-Ducray elle même ” Ainsi que le relève la dépêche, le musée n’a cependant aucun rôle officiel dans cette fondation et les statuts ne l’autorisent aucunement à prendre une telle décision.

Le problème, c’est que le statut de fonctionnaire de Madame Françoise CACHIN ne l’autorise pas non plus à exercer les fonctions de présidente de cette fondation de droit privé qui organise des expositions et contracte en conséquence en permanence avec les musées dans lesquels les membres français de cette fondation interviennent. De la même manière que l’on voit mal un directeur de centre dramatique national, pourtant en principe nommé par ses associés, rester à la tête de la société commerciale privée qu’il dirige si le ministre lui signifie son renvoi, on voit mal un fonctionnaire en situation illégale à la tête d’une entreprise privée résister longtemps à un ordre du ministère de la culture. Pourtant, une telle demande de Madame Francine MARIANI-DUCRAY relève elle aussi de définitions pénales conséquentes.

La nouvelle agence France Museum n’est pas fondamentalement différente de la Réunion des Musées Nationaux qui n’a pas été un succès flamboyant. Alors que sa création avait pour but d’augmenter les moyens financiers des musées, elle n’a au final jamais rapporté d’argent. Elle a essentiellement permis de créer des postes permettant aux hauts fonctionnaires du ministère de la culture de pantoufler, de faire de la production et de l’édition, et d’augmenter leur réseau d’influence, en feignant d’ignorer que cette concurrence déloyale phénoménale à l’égard des musées des collectivités territoriales et des intervenants indépendants a au final pénalisé le développement économique de l’ensemble du secteur.
La nouvelle agence, tout comme la RMN aura également pour but de réaliser des missions d’expertises.

La RMN est soumise au contrôle de l’État en sa qualité d’établissement public à caractère industriel et commercial. La société France Museum entend quant à elle se placer uniquement dans un cadre de droit privé.

Cette analyse est totalement erronée. En effet, le Conseil d’État considère qu’une société dont la majorité du capital est détenue par des personnes publiques est une société publique (1).

De plus, le fait de créer une nouvelle société dans laquelle les musées ont des parts ne les dispense de la mise en place de procédures de mise en concurrence et de publicité. Les musées n’ont donc aucun droit à contracter avec la société France Museum en dehors de toute procédure de mise en concurrence.

Surtout, le fait de privatiser une partie des opérations d’entreprises publiques pour les exercer soi même dans un cadre privé est sanctionné par la loi pénale.

Il nous semble intéressant pour conclure de montrer dans quelle situation ce montage place certains des protagonistes de ce dossier. (suite page 1452, pantouflage du mois).

Monsieur Henry LOIRETTE, président de l’établissement public du musée du Louvre a été nommé président du conseil scientifique de l’Agence Internationale des Musées de France. Cette agence est créée sous la forme d’une Société par action simplifiée (SAS), dont chacun des membres a apporté une partie du capital, le Louvre ayant apporté quant lui 115 000 Euros.

En sa qualité de président de l’établissement public du Louvre, il est associé de cette société, dans laquelle il prend un intérêt direct, et qui a vocation a prêter des œuvres du Louvre, décisions qu’il devra superviser en sa qualité de président du Louvre, ce qui pourrait correspondre à un délit de prise illégale d’intérêt au sens de l’article L. 432-12 du code pénal (2).

Par ailleurs, en abusant de ses fonctions pour organiser un contournement des règles de la comptabilité publique, de la fonction publique et des marchés publics, il pourrait également se rendre passible, à titre principal ou comme complice, du délit d’abus d’autorité des articles 432-1 et 432-2 du code pénal (3). De plus, cette société créée dans un cadre de droit privé par des entreprises publiques dans le but affirmé et revendiqué de sortir des règles et des contraintes de la comptabilité publique et du code des marchés publics, correspond à la définition de l’association de malfaiteurs réprimée par les articles 450-1 du code pénal (4). Cette présentation n’est absolument pas exhaustive, les infractions commises dans ce montage nous semblent multiples.

Monsieur Jean D’HAUSSONVILLE, conseiller auprès du ministre de la culture et de la communication pour les affaires européennes, internationales et diplomatiques, mécénat, qui a mené les négociations avec Abu Dhabi vient d’être nommé directeur général de l’agence créée pour concrétiser l’accord et financée par cet accord. Il se trouve en conséquence dans la situation pénalement répréhensible correspondant notamment à l’article 432-13 du code pénal, récemment modifié.

Quant à Monsieur Bernard NOTARI, qui en sa qualité de conseiller du ministre en charge du patrimoine et musée, et qui a participé à la négociation avec ABU DHABI, il bénéficie directement de la manne des émirats dans ses nouvelles fonctions à la direction du domaine national du château de Fontainebleau.

Il convient de préciser que si les délits de prise illégale d'intérêts se prescrivent par trois ans, les délits de recel de prise illégale d'intérêt et de recel d'abus d'autorité sont quand à eux des délits continus pour lesquels la prescription ne commence à courir que lorsque le recel prend fin.

(1) CE, ASS. 24 novembre 1978, Schwartz, CE 22 décembre 1982, n° 34252 34798.

(2) L’Article 432-12 énonce que : “ Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende. ”

(3) L’article 432-1 du code pénal énonce que : “ Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende. ”
La création de cette SAS a pour but annoncé de sortir des règles du droit public.
L’article 432-2 du code pénal précise que : “ L’infraction prévue à l’article 432-1 est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende si elle a été suivie d’effet.
 ”

(4) L’article 450-1 du code pénal énonce que : “ Constitue une association de malfaiteurs tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement.
Lorsque les infractions préparées sont des crimes ou des délits punis de dix ans d’emprisonnement, la participation à une association de malfaiteurs est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
Lorsque les infractions préparées sont des délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, la participation à une association de malfaiteurs est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende.
 ”.



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