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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  


Vidéomusiques

Chaque mois, nous sélectionnons un article que nous mettons en ligne.
Cet article a été publié au numéro 125 de Septembre 2003.


Un arrêt de la Cour d’Appel de Paris rendu le 10 septembre 2003 (1) vient rappeler que le droit d’auteur et le droit des artistes s’applique aussi aux danseurs et chorégraphes, ce que les producteurs et les auteurs compositeurs de musique des vidéomusiques semblent trop souvent ignorer.

Un artiste avait été embauché en qualité de danseur dans le cadre du tournage d’une vidéomusique pour un contrat d’une journée en qualité d’artiste interprète. Il était l’interprète unique de cette vidéomusique. La rémunération qu’il avait perçue ne distinguait pas entre la rémunération de la prestation d’interprète et la rémunération des exploitations, et le contrat ne contenait aucune disposition relative aux droits d’auteurs de la chorégraphie, alors que le danseur considérait qu’il était intervenu non seulement comme danseur, mais également comme chorégraphique. Le Danseur affirmait que c’était également en fonction de la chorégraphie qu’il avait présentée au casting qui avait précédé son engagement qu’il avait été choisi.

Les droits d’exploitation de l’interprétation du danseur

La Cour a considéré que " par application des dispositions de l’article 212-4 du CPI, la lettre d’engagement ne distinguant pas la rémunération de la prestation artistique de celle correspondant aux différents modes d’exploitation de l’œuvre, le producteur ne justifiait que de la seule autorisation de fixation, reproduction et communication au public de la prestation de l’artiste, à l’exclusion de toute autre autorisation relative au mode d’exploitation de l’œuvre ".

Il s’agit là d’une jurisprudence constante, qui s’applique également aux danseurs. L’artiste interprète doit être rémunéré de façon distincte pour la réalisation de son interprètation et pour chaque mode d’exploitation. Les producteurs doivent donc respecter à la fois les dispositions des conventions collectives qui ne sont pas légales et ne prévoient une rémunération que pour les exploitations et les dispositions du Code de la propriété intellectuelle et du code du travail qui exigent une rémunération pour la réalisation de l’interprétation objet de la fixation.

Le droit au nom de l’artiste chorégraphique

Cet arrêt contient une disposition nouvelle en ce qu’il condamne le producteur à insérer le nom du danseur en cette qualité sur l’œuvre.

La Cour relève que " il est établi et non contesté que, en violation des dispositions de l’article L. 212-2 du code de la propriété intellectuelle, le vidéoclip a été exploité sans la mention du nom de M. X... en qualité d’artiste interprète. ; que la Société MFC fait vainement valoir que M . X... ne saurait bénéficier de la protection due, à ce titre, aux artistes interprètes motif pris que sa prestation aurait été réalisée en qualité d’artiste de complément ; que, en effet, il résulte du visionnage du vidéoclip, auquel la cour a procédé, que M. X exécute seul la prestation d’artiste interprète pour laquelle il avait été engagée, qui se trouve confirmée par de nombreuses attestations, non contestées sur ce point, versées au débat par l’intimé. Qu’il s’en suit que le M. X... étant fondé, comme l’a jugé le tribunal, à se prévaloir de la qualité d’artiste interprète, le jugement déféré sera confirmé sur ce point. "

Les défendeurs avaient fait valoir en première instance que les usages et les conditions techniques de réalisation des vidéomusiques interdisaient de mentionner le nom de l’artiste interprète. Ces arguments ont été considérés comme inopérants.

En appel, ils prétendaient de plus que le danseur n’était qu’un figurant alors que l’artiste interprète de la musique ne figurait même pas visuellement et que le danseur apparaissait seul à l’image. Ce dernier avait de plus apporté de nombreuses attestations de personnes l’ayant reconnu lors de la diffusion télévisuelle de la vidéomusique. De fait, l’artiste était clairement identifiable et ne pouvait dès lors relever de la qualification de figurant, laquelle exclut effectivement tout droit voisin.

C’est le critère le plus souvent retenu par les tribunaux. Le figurant, c’est celui dont on ne voit que la silhouette, qui n’est pas reconnaissable, pas identifiable, et qui intervient de façon momentanée. En matière de danse, un danseur soliste ne peut en principe pas être considéré comme un figurant.
Les danseurs identifiables sur les vidéomusiques, qui font parfois la renommée d’un titre et son succès commercial, doivent donc être mentionnés lors de la diffusion de la vidéomusique. Cela n’est en réalité par très gênant et nous semble, plus de vingt ans après la loi de 1985 qui était sensée reconnaître des droits aux artistes interprètes, être une avancée jurisprudentielle fort légitime, reste à voir si elle sera suivie d’effets.

Le statut de la chorégraphie d’une vidéomusique

Cette question relève tout d’abord d’une question de pur fait. Quelle est l’importance de la chorégraphie dans le produit final et quelle a été la nature de la relation de travail ayant existée entre le chorégraphe et le réalisateur et/ou les autres auteurs de la vidéomusique.

Le chorégraphe peut prétendre au statut de coauteur de la vidéomusique.
Si le chorégraphe intervient sur la totalité du déroulement de la vidéomusique, s’il travaille en synergie avec les autres créateurs, notamment avec le réalisateur, si un dialogue s’instaure entre eux, si le chorégraphe, ce qui est courant, intervient sur le choix et l’utilisation des costumes et des décors jouant, s’il collabore au montage, il nous semble qu’il peut prétendre à la qualité de coauteur et que toute mention contraire figurant dans les contrats, (clauses que certains producteurs insèrent systématiquement) sont contraires à des dispositions d’ordre public et encourent la nullité. Bien entendu, le problème sera pour le chorégraphe de prouver sa collaboration à l’oeuvre.

Bien souvent, les chorégraphes qui connaissent les difficultés à se voir reconnaître leurs droits insèrent une signature dans leur chorégraphie, signature consistant en un ensemble de pas ou de mouvement typiques de leur style et de leur création, signature gestuelle que le producteur sera incapable de déchiffrer, mais qui permettra au chorégraphe de faire valoir la réalité de son apport intellectuel.

Bien entendu, la chorégraphie pour être protégée par le droit d’auteur doit être originale. C’est-à-dire que si le chorégraphe s’est contenté de reprendre des mouvements et des enchaînements déjà vus dans de très nombreuses chorégraphies, il sera possible de lui contester cette originalité.

Pour être protégée par le droit d’auteur, la loi pose une seconde condition. L’article L. 112-2.4° du CPI exige que la chorégraphie soit fixée par écrit ou autrement. Dans une vidéomusique, cette exigence sera automatiquement remplie puisque la vidéomusique fixe la chorégraphie dans le cadre du tournage. La vidéomusique qui sera définitivement réalisée par montage des rushes utilisera donc une chorégraphie préalablement fixée.

Conséquence sur la gestion des œuvres.

Si le chorégraphe a la qualité de coauteur de la vidéomusique. Il convient alors de tenir compte de l’article L. 113-3 du CPI qui énonce que l’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs et que les droits doivent être gérés d’un commun accord. En effet les diffuseurs qui ont des accords avec les sociétés d’auteur n’ont pas forcément les droits des chorégraphes, puisque la SACEM ne gère pas les droits des chorégraphes et renvoie vers la SACD et la SACD ne reconnaît en général pas les vidéomusiques comme étant de son répertoire puisqu’elle ne gère que les œuvres dramatiques et n’acceptera d’enregistrer une chorégraphe de ce type d’œuvre que si elle créée sur un propos chorégrahique, avec toute la subjectivité artistique liées à une telle analyse.

Les sociétés d’auteurs qui délivrent des autorisations ou répartissent les droits d’exploitation de ces œuvres pour les auteurs compositeur lorsqu’ils ont la qualité de coauteur et/ou pour le réalisateur alors que le chorégraphe coauteurs n’est pas intéressé à cette exploitation est en conséquence en situation de contrefaçon.

Le chorégraphe est seulement auteur de sa chorégaphie

Dans l’affaire nous concernant, le chorégraphe ne revendiquait pas la qualité de coauteur de la vidéomusique, mais uniquement celle de la chorégraphie qu’il avait créée lui sur de très vagues indications du synopsis.

La Cour a considéré que " selon l’article L. 122-2 (4°) du Code de la Propriété Intellectuelle, les œuvres chorégraphiques sont considérées comme œuvres de l’esprit, qu’il appartient dont à M. X... de justifier qu’il est effectivement l’auteur de la chorégraphique dont il revendique la paternité.

Que c’est pas une juste appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont relevé que le synopsis remis à M. X... par le réalisateur, qui comprenait les grandes lignes de l’histoire illustrant la musique avec des indications – sur le costume de l’unique personnage, son état d’esprit, sur le décor, sur les prises de vue, le cadrage, le rythme des images – définissait une idée générale, une atmosphère, celui ne donnait aucune élément chorégraphique précis en liaison avec la musique ;

Que par ailleurs la préexistence de la chorégraphie à l’œuvre audiovisuelle est justifiée par l’attestation, non contestée, de M. Y, qui ayant travaillé quatre ans avec M. X..., reconnaît dans la chorégraphie de la vidéomusique une gestuelle créée par M. X dans le cadre du travail de recherche chorégraphique effectué au sein de la compagnie, qui amène les artistes à créer des mouvements que je leur autorise à réutiliser dans le cafre de leur démarche artistique personnelle ; que M. X... est donc fondé à se prévaloir de la qualité d’auteur de la chorégraphie litigieuse.

Qu’il résulte de ces éléments que le tribunal a, à bon droit, retenu que l’exploitation de la chorégraphie de m. X, sans son autorisation et sans la mention de son nom, constituent, en application des articles L. 121-1 et L. 121-4 du CPI, des atteintes aux droits d’auteur de M. X... ; que, sur ce point, le jugement déféré mérite donc confirmation.
"

Outre l’allocation de dommages intérêts, à la fois en qualité d’artistes interprètes (4 600 Euros) et en qualité de chorégraphe (3 050 Euros),la Cour ordonne l’interdiction d’exploitation la vidéomusique sans la mention du nom de M X tant en qualité d’artiste interprète que d’auteur de la chorégraphique et après conclusion d’un contrat relatif au mode d’exploitation de l’œuvre sous astreinte de 500 Euros par infraction constatée. Le producteur est également condamné à rembourser les frais d’avocat de l’artiste pour un 3 500 euros, qui s’ajoutent aux 1 067,14 Euros déjà octroyés par le TGI, outre les dépends.

Alors que nous critiquons souvent le très faible montant des condamnations octroyées par les tribunaux. Il nous semble que les montants octroyés dans le cadre de cette affaire sont acceptables, et peuvent s’avérer dissuasifs sans être excessifs, s’agissant d’une notoriété n'ayant pas encore une grande notoriété. Le fait que la vidéomusique ait été utilisée dans un cadre publicitaire par M6 pour la promotion des manifestations à Bercy a sans doute joué.

Le producteur invoquait qu’il n’était pas responsable de l’utilisation par un chaîne de Télévision de la vidéomusique. Cet argument n’a pas été retenu par la Cour.

(1) CA PARIS, 4ème Chambre, section A, 10 septembre 2003, RG n° 2002/15505. Cet arrêt confirme la décision précédemment rendue par le TGI de Paris en date du 21 mai 2002 commenté dans La Lettre de Nodula, p.794.



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