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Chaque mois, l'essentiel de l'actualité du droit et de la gestion de la création artistique
  
XI
De quelques délits mal connus
qui peuvent mener loin


Dans une période où l'opinion et l'électorat ont mis les élus et les pouvoirs publics sous haute surveillance, beaucoup de responsables s'interrogent sur les modes de gestion des lieux culturels.

Il n'est pas inintéressant de rappeler les principaux délits encourus par des agents de l'État qui tirent parti de leur charge pour servir des intérêts étrangers à leur mission publique et les recours permettant de sanctionner de tels comportements.
La prise illégale d'intérêt - anciennement qualifiée de " délit d'ingérence ".

Ce délit sanctionne un agent public qui prend un intéressement quelconque, par voie directe ou indirecte, dans une opération, un acte ou une entreprise dont il a la surveillance. Un tel délit peut ainsi se produire à l'occasion de l'attribution d'un marché public ou d'une délégation de service public, portant par exemple, sur la gestion d'un lieu culturel.

L'article 432-12 du nouveau code pénal dispose que " le fait pour une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende ".
Pour qu’il y ait délit, l'agent public doit d'abord avoir pris, reçu ou conservé un intérêt quelconque dans l'opération concernée.

L'intérêt retiré peut être direct. Ce sera le cas si l'agent public passe un contrat avec l'entreprise dont il est le dirigeant ou dans laquelle il a des intérêts. L'intérêt peut également être indirect, retiré par le biais d'une ou plusieurs personnes interposées. Cela sera le cas si l'agent public avantage une société dans laquelle un membre de sa famille est partie prenante.

Généralement le délit est lié à un intérêt pécuniaire. Toutefois, la jurisprudence précise qu'il y a également délit lorsqu'il existe un intérêt moral entre l'agent et l'entreprise. Ainsi, si Raymond BARRE mentionne son nom et sa qualité de président sur les plaquettes luxueuses et les programmes édités par l'Opéra de Lyon, c'est certainement qu'il y trouve un intérêt personnel au niveau de sa communication. Il est d’ailleurs étonnant de voir le nom de Raymond BARRE figurant en qualité de chef d’entreprise sur un catalogue commercial de production de disques glané sur un stand d’un grand salon professionnel.

L'intérêt de l'élu peut être moral, politique ou affectif . Ainsi le fait pour un élu de recruter son conjoint ou son enfant, soit dans les services de la collectivité, soit dans la structure dans laquelle il a un rôle prépondérant est constitutif du délit de prise illégale d'intérêt.

Dans ce domaine, le simple fait qu’un fonctionnaire ait pris un intérêt quelconque dans une entreprise dont il avait la surveillance suffit à constituer l’infraction. Peu importe que le fonctionnaire ait ou non réalisé un bénéfice , ou qu’il ait ou non tenté de frauder .

La fonction de l'agent doit également être liée à l'administration ou la surveillance de l'opération ou de l'acte concerné. C'est le cas lorsque l'agent décide ou participe à la décision relative à l'affaire ou à l'entreprise, par exemple en prenant part au vote d'une délibération d'un conseil municipal concernant l'attribution d'un marché public ou d'une concession de service public. Ces notions de surveillance et d'administration sont entendues au sens large. Elles englobent les cas où l'agent en cause dispose de simples pouvoirs de préparation ou de proposition de décisions prises par d'autres, et ce parce que ses attributions lui permettent d'influencer la décision.

Notons également que l'intention frauduleuse n'a pas à être prouvée pour caractériser le délit de prise illégale d'intérêt.

Sanctions et exceptions :
L'agent public peut être condamné à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 F d'amende. Peuvent s'y ajouter des peines complémentaires, notamment l'inéligibilité.

Prescription du délit :
3 ans partant de la date de la prise d'intérêt et non du moment où elle a été rendue publique. Le Code pénal prévoit une exception s'agissant des actes d'un montant de moins de 100 000 F passés par des communes de moins de 3 500 habitants.

Les nombreuses associations et entreprises créées et dirigées par des fonctionnaires ou des élus dans le domaine culturel sont propices à la consommation de ce délit. En effet, pourquoi ces élus et ces fonctionnaires tiendraient-ils tant à faire partie des conseils d’administration et bureaux de ces associations si ce n’est par intérêt personnel ? Le pouvoir détenu par ces fonctionnaires et élus au sein de ces associations et institutions culturelles leur permet en effet de parfaire leur mainmise sur leur clientèle et de développer à bon compte leur communication. Cela leur permet aussi de placer leurs protégés aux emplois créés par ces associations. Cela offre enfin aux élus l'avantage de pouvoir intervenir sur le marché sans avoir à respecter les procédures d’appel d’offres et de favoriser ainsi leurs relations et connaissances dans les choix artistiques ou autres opérés par ces institutions culturelles.

Pourquoi Jack LANG est-il une des personnalités les plus populaires de France ? C’est grâce à l’immense pouvoir d’un homme qui a dirigé et contrôlé des centaines d’entreprises " privées " depuis son bureau ministériel et qui a magistralement su communiquer à travers elles.

L'État, par l'intermédiaire du ministère public (son représentant devant les tribunaux) peut saisir le tribunal correctionnel afin de solliciter la répression des cas de prise illégale d'intérêt. Tout citoyen peut informer le Procureur de la République près du tribunal correctionnel, permettant ainsi d'attirer l'attention du ministère public sur certains faits délictueux et déclencher l'action publique, laquelle consiste à demander au juge l'application des peines prévues par le code pénal à l'encontre du contrevenant.

Par le biais de l'action civile, il est également possible de saisir le tribunal répressif en cas de prise illégale d'intérêt. À la différence de l’action précédente que l'État peut seul mettre en œuvre, l'action civile appartient à toute personne qui peut faire valoir un préjudice causé par l'auteur de l'infraction. Elle peut être engagée par une commune. Le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune, représenté par le maire .

Les contribuables d'une commune, fussent-ils constitués en association de défense, ne peuvent en revanche se constituer partie civile . Au niveau communal, le contribuable peut toutefois exercer l'action que possède la commune elle-même, en cas de refus ou de négligence d'exercer elle-même l'action . Pour cela il doit transmettre sa requête au maire qui doit la communiquer sans délai au conseil municipal. En cas d'inaction de la commune, le contribuable doit adresser sa demande au tribunal administratif, lequel a alors deux mois pour statuer. À défaut ou en cas de décision de refus, le requérant peut se pourvoir dans le délai d'un mois, le Conseil d'État devant statuer dans les trois mois de l'enregistrement du pourvoi . L'autorisation de la juridiction administrative ne sera accordée que si l'action pénale n'a pas été entre temps engagée par la commune .

Il n'existe aucune action similaire ouverte au contribuable au niveau régional, départemental ou étatique. Il s'agit là d'une importante lacune de la loi qu'il y a vraiment lieu de déplorer.

Les syndicats professionnels peuvent exercer l'action civile devant le tribunal correctionnel en cas de prise illégale d'intérêt. Mais l'existence d'un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente est indispensable. Le dommage peut être matériel ou moral, direct ou indirect (dommage par ricochet). Ce trouble doit être susceptible d'être ressenti par chacun des membres du syndicat et nuire à la profession toute entière. Ainsi la Cour de Cassation a t-elle jugé un syndicat d'ingénieurs-conseils recevable à demander au juge pénal la réparation du préjudice indirect causé à l'ensemble de la profession, par les agissements d'un fonctionnaire municipal directeur des services techniques qui, exerçant également la profession d'ingénieur-conseil, s'est rendu coupable du délit de prise illégale d’intérêt.

La responsabilité des membres du gouvernement


S'agissant de délits commis par des membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions, ils sont jugés par la Cour de Justice de la République et non par les juridictions de droit commun.

Leur responsabilité ne peut être engagée devant cette cour que par une plainte adressée par la victime du délit auprès d’une commission des requêtes, (laquelle ordonne soit le classement de la procédure, soit la transmet au procureur général près la Cour de Cassation aux fins de saisine de la Cour de Justice de la République), soit par le procureur général près la Cour de Cassation, après avoir recueilli l'avis conforme de la commission des requêtes .

Il peut être intéressant de savoir que la Cour est composée de 15 membres, dont 12 parlementaires élus à part égale par l’Assemblée Nationale et le Sénat et seulement 3 juges professionnels. Les juges se prononcent à bulletin secret.



© Nodula - Roland LIENHARDT - 1998

 
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